VOL SPECIAL
Un film de Fernand Melgar
Suisse, 2011, 1h41, Tous publics
Après LA FORTERESSE – Léopard d’Or au Festival de Locarno en 2008 –, qui décrivait les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Suisse, Fernand Melgar porte son regard vers la fin du parcours migratoire : au centre de détention administrative de Frambois, des hommes sont emprisonnés dans l’attente d’un renvoi du territoire helvétique. Leur demande d’asile a échoué, ils sont sommés de repartir après, pour certains, avoir passé plusieurs années en Suisse, travaillé, payé des impôts, fondé une famille. Si leur incarcération peut durer jusqu’à 18 mois, l’annonce du renvoi intervient quant à elle sans crier gare, et sa mise à exécution est imminente. Dans ce huis clos carcéral, la tension monte au fil des jours. D’un côté des gardiens se voulant pétris de valeurs humanistes, de l’autre des hommes en bout de course, vaincus par la peur et le stress. Se nouent alors des rapports d’amitié et de haine, d’impuissance et de révolte jusqu’à l’annonce de l’expulsion vécue comme un coup de poignard. Cette relation s’achève la plupart du temps dans la détresse et l’humiliation. Ceux qui refusent de partir seront menottés, ligotés et installés de force dans un avion. Dans cette situation extrême le désespoir a un nom : VOL SPECIAL.
Fernand Melgar s’est immergé pendant 9 mois dans le Centre de détention administrative de Frambois à Genève, l’un des 28 centres d’expulsion pour sans papiers en Suisse (la France en compte 27, l’Union Européenne plus de 200), et entend ainsi dénoncer les conditions de détention et surtout de renvoi des demandeurs d’asile dans leur pays, et ce avec d’autant plus de force qu’il filme de façon objective, dans un centre réputé “modèle”, en nous mettant face à nos responsabilités individuelle et collective, en tant que spectateur mais également en tant que citoyen (rappelons que la Suisse relève d’une démocratie directe et que les lois relatives à la détention et l’expulsion de sans-papiers reflètent la volonté du peuple).
A travers l’exemple suisse, c’est en fait l’existence d’un problème géopolitique et social d’envergure internationale que met en lumière le film, compte tenu du manque de volonté politique croissant des Etats au profit d’objectifs de volume désincarnés et de leur terrifiant nécessaire administratif.
Dans VOL SPECIAL, ces objectifs de volume ont des noms : Pitchoun, Ragip, Jeton, Wandifa, Serge… La caméra de Fernand Melgar se fait leur porte-parole.